Radio Communautaire Francophone de Montréal inc. -
Rapport préliminaire - CAMO   
        
 
(vous pouvez consulter ICI les recommandations soumises par le CAMO)


III
 
DIAGNOSTIC
 
 
3.1 Introduction
 
 
CIBL a pris naissance en ondes en avril 1980 et a vécu, selon notre constat, trois grandes phases qui ont grandement influencé son avenir :
 
Les années 80 ont été pour l'équipe de CIBL des années pionnières marquées par une ténacité et une détermination propre à des gens convaincus de l'importance de leur contribution au monde de la communication, de la culture et des valeurs communautaires.
 
Les premières années d'émergence de cette radio communautaire alternative ont reçu très tôt des appuis nombreux des créateurs et de toute la communauté. Une mise en ondes originale et un discours social renouvelé, attentif aux besoins des communautés locales, ont contribué à faire de cette radio un pôle important de communication à Montréal et cela malgré les grandes limites de sa fréquence initiale jusqu'au début des années 90.
 
Cette première phase du développement de CIBL à titre d'incubateur d'une nouvelle culture radiophonique à Montréal, s'inspirait des principes d'une gestion communautaire, typique aux institutions de petite taille où les rapports interpersonnels et les relations de confiance sont déterminants dans la gestion au quotidien des opérations.
 
La mobilisation des promoteurs du projet pour l'élargissement de l'antenne allait essuyer un premier refus du CRTC en 1987, puis remporter une victoire en 1990 permettant alors de rejoindre les quartiers francophones de Montréal.
 
Cette deuxième phase dans la croissance de la station (1990-1995) fut marquée par un développement accéléré de l'organisation, en particulier de son auditoire et de ses membres qui s'accroissent respectivement de 30 000 à 150 000 et de 30 000 S à 190000$.
 
Si l'enthousiasme des pionniers de la station se maintient et se mobilise jusqu'au quinzième anniversaire de CIBL, cette phase de développement fait apparaître une forte instabilité au plan de l'administration et de la gestion de l'organisme.
 
Des tensions internes provoquent un roulement élevé du personnel au niveau de la direction générale et des programmes. Cette instabilité que certains peuvent associer aujourd'hui à la situation financière de l'organisme, révèle davantage des ambiguïtés plus profondes sur le rôle et les responsabilités des différentes instances. De 1990 à 2001, pas moins de neuf (9) directions générales se succèdent à la tête des opérations de CIBL.
 
Le refus du CRTC en 1997 d'octroyer le projet d'antenne 95,1 suite à une forte mobilisation du milieu, fut la cause importante d'une série d'effets démobilisateurs dans la station. Les démissions successives dans le conseil, le départ de nombreux bénévoles, le remplacement constant des directions générales, sont autant de facteurs qui contribuent à affaiblir la cohésion de CIBL et son impact dans la communauté.
 
À ces causes internes déterminantes, d'autres facteurs contribuent à fragiliser les acquis de la station : le développement de nouveaux médias communautaires à Montréal, l'intéressement de certains médias traditionnels à des courants plus alternatifs, le rétrécissement de l'assiette de publicité alternative et sans aucun doute les modifications à la baisse des politiques de soutien gouvernemental.
 
À partir de 1998, les producteurs et bénévoles tenteront plusieurs efforts pour redonner à la station cette cohésion nécessaire à son développement mais il s'agira d'efforts qui parviennent difficilement à rejoindre une partie significative des acteurs de la station et qui restent isolés des autres instances de l'organisme.
 
Aujourd'hui CIBL étonne toujours par ses capacités à mobiliser tant d'énergie et de créativité dans sa programmation. Mais ses promoteurs actuels et leurs principaux partenaires reconnaissent que la station exige un important redressement.
 
L'organisme est aujourd'hui en état de faillite technique et n'a même plus la capacité financière pour combler les postes de direction qui sont vacants.
 
De façon plus spécifique on constate ce qui suit
 
3.2 La mission et ses valeurs
 
La mission de CIBL est la suivante : «CIBL, appartenant à la communauté de ses membres, produit, essentiellement en français, une programmation qui vise à informer, à enrichir culturellement et à divertir les Montréalaises et les Montréalais ainsi qu'à susciter la réflexion, l'action et l'engagement. CIBL se -,,eut le reflet culturel de Montréal et le point d'entrée des nouvelles formes d'expressions culturelles. La Radio Communautaire Francophone de Montréal veut promouvoir la reconnaissance de la radio comme forme d'expression et de création à part entière ».
 
On peut affirmer sans se tromper, que la mission est bien connue de ses membres initiés et entérinés par ceux-ci. Par contre, de nombreux commentaires indiquent une faiblesse au niveau de l'appropriation réelle de cette mission par les nouveaux venus.
 
L'interprétation qu'on en fait est parfois un peu diffuse et rhétorique, certains membres utilisent des valeurs communautaires et artistiques de la mission pour vouloir subordonner l'entière autonomie du développement de la station aux préoccupations culturelles et artistiques.
Même s'il faut reconnaître que CIBL a duré plus de 20 ans, en grande partie, grâce à son énergie créatrice, il faut que celle-ci soit mieux canalisée et ne soit pas nécessairement garante de pouvoir.
 
 
3.3 La stratégie, la programmation et la mise en marché
 
3.3. 1 La stratégie
 
La stratégie d'entreprise (le plan d'action) vient non seulement confirmer, dans l'organisme, les moyens à prendre pour atteindre la mission et véhiculer ses valeurs.
À CIBL il n'y a pas de plan stratégique (100% des personnes rencontrées ne connaissaient pas le plan d'action), ce qui crée une absence totale d'unité de vision, laisse place aux interprétations et favorise la multiplication de groupes de pouvoirs qui tentent d'influencer l'orientation de la station.
Quelques illustrations de l'absence d'objectifs clairs expliquent bien le problème
            On se pose encore la question à savoir si on doit faire une radio plus communautaire ou plus commerciale.
On ne s'est pas encore mis d'accord sur le marché à cibler pour générer des revenus.
Il y a encore des conflits de pouvoir et d'orientation sur le contenu de la programmation.
;e         On éteint des feux, les communications sont difficiles et il n'y a pas de liens structurés.
On pourrait donner beaucoup d'autres exemples du manque de vision concertée à CIBL mais il paraît déjà clair que tant qu'il n'y aura pas de plan d'action qui définit les paramètres de la stratégie, il sera impossible de créer une unité de vision dans la façon de faire.
 
3.3.2    La programmation
 
S'il existe un sujet délicat à CIBL c'est celui de la programmation. Ceci est facile à comprendre puisque l'existence même de CIBL repose sur son contenu, sa clientèle et ses valeurs qui se veulent différentes des autres stations.
 
De plus, on se doit de reconnaître l'apport exceptionnel, depuis plus de 20 ans, des bénévoles qui ont alimenté la station avec du matériel créateur et innovateur.
 
Bien qu'il y ait des clarifications structurelles à apporter, qui seront traitées dans le prochain chapitre, il faut également se poser des questions sur la façon de programmer les grilles horaires à CIBL.
 
Actuellement, on demande aux producteurs bénévoles de soumettre des projets d'émissions à partir desquels ont fait un choix qui constituera notre grille horaire.
 
À notre avis et dans un contexte d'un plan stratégique clair, on devrait procéder à l'inverse. Il faudrait que CIBL élabore une grille horaire en fonction de son plan stratégique qui repose sur sa mission, ses valeurs et ses objectifs et ensuite fasse appel aux producteurs pour soumettre des projets selon la grille.
 
Bien que cette façon de faire semble la plus logique, nous sommes conscients que cela risque de poser des problèmes opérationnels et il reviendra à la direction et au comité de programmation d'évaluer la pertinence de tenter de modifier l'approche.
 
L'autre problème majeur dans la programmation est qui détient véritablement le pouvoir décisionnel dans le choix de la programmation. Les rôles et pouvoirs au niveau de la programmation sont confus et créés énormément de frustration.
 
Les quatre niveaux d'autorité dans la structure sont interpellés dans le choix de la programmation sans que les rôles et pouvoirs soient clairement définis; ces niveaux sont les suivants :
 
> le conseil d'administration;
 
,- le comité de programmation;
 
,e la direction générale;
 
> la direction de la programmation.
 
Le manque de clarté dans les pouvoirs décisionnels sur un élément aussi central et sensible que la programmation crée un climat d'incertitude et de méfiance qui n'est pas sain pour CIBL.
 
3.3.3   La mise en marché
 
Encore une fois il est difficile pour la direction des ventes d'orienter son effort de commercialisation sur les bons créneaux, s'il n'y a pas de plan d'action.
 
Avec la diminution significative des revenus de subventions au fil des ans, la contribution de la direction des ventes est devenue de plus en plus essentielle à la survie de CIBL.
Pourtant, on constate chez plusieurs un certain mépris pour la direction des ventes qui est à la limite perçue comme « un mai capitaliste nécessaire ».
Ce constat qui n'est heureusement pas généralisé a néanmoins fait en sorte que
 
la direction des ventes n'est pas associée à la préparation de la grille horaire qu'elle doit mettre en marché;
 
certains animateurs ont refusé de mettre en onde des commerciaux qui ne correspondaient pas à leur philosophie de pensée;
 
la direction des ventes est souvent informée avec retard sur le contenu de la grille horaire ou de modifications importantes qui viennent directement influencer son produit à vendre;
 
on reproche également « aux ventes » de ne pas s'adresser suffisamment au marché communautaire et social;
 
finalement, les dernières données socio-démographiques de l'auditoire de CIBL reposent sur un sondage réalisé en 1998. Tous s'entendent pour dire que l'auditoire de CIBL a probablement changé sensiblement depuis. On peut donc conclure qu'un des outils marketing utilisé auprès de la clientèle cible repose sur des données probablement erronées.
 
Ce qui fait l'objet de critiques acerbes de part et d'autres entre la direction des ventes et les intervenants plus orientés vers la mission communautaire, pourrait se traduire en remarques constructives si on favorisait un lieu de discussion à l'intérieur de la préparation du plan stratégique.
 
3.4 La structure organisationnelle
 
La structure organisationnelle et les règlements de CIBL (voir organigramme de la page 10) peuvent laisser supposer, jusqu'à un certain point, une structure bicéphale avec l'assemblée générale qui élit le conseil d'administration et sept (7) membres sur dix (10) du comité de programmation.
 

La programmation

 
Les règlements de CIBL ne sont pas clairs quant aux pouvoirs décisionnels sur la programmation. La seule allusion au conseil d'administration dans les attributions du comité de programmation à l'intérieur des règlements est : « le comité planifie la programmation selon les séquences définies par le conseil d'administration » (article 48). Par contre, les règlements précisent également que tous les comités sont sous l'autorité du conseil d'administration (art. 33). Pourtant la majorité au comité de programmation est élue par l'assemblée générale et le comité fait rapport à l'assemblée générale (article 48).
 
Cette confusion dans la structure et les règlements quant aux rôles et pouvoirs de chaque instance sur la programmation de CIBL porte en germe tous les éléments
pour créer un conflit très sérieux.
 

Le conseil d'administration

 
En ce qui concerne plus particulièrement le rôle du conseil d'administration',- nous avons été en mesure de constater, à partir des entrevues réalisées, un schisme important entre le conseil, la direction générale et les opérations.
 
Les intervenants ont l'impression que le conseil est déconnecté de la réalité, connaît peu le milieu des communications, se préoccupe peu des contraintes opérationnelles et fait souvent jouer son autorité au détriment du bon fonctionnement de la station.
 
Il n'est pas du mandat ni de la compétence du consultant d'évaluer l'efficacité du conseil d'administration mais il est préoccupant de constater la perception des salariés et autres intervenants à l'allusion du manque d'implication du conseil. De plus, il est étonnant de constater, qu'en l'absence d'une direction générale et en pleine crise financière, que le conseil n'ait pas juge opportun d'exiger des états financiers qui n'ont pas été produits depuis près de cinq mois. On peut avoir l'impression que l'éloignement du conseil lui fait sous-estimer l'état général de la crise.
 

Les opérations

 
En ce qui touche la structure opérationnelle, deux postes clés : la direction générale et la direction de la programmation sont vacants depuis un certain temps.
 
L'absence prolongée de direction à l'intérieur de CIBL a provoqué une situation chaotique qui mène lentement à une dégradation des opérations et menace à court terme la survie de l'organisme.
En plus de l'absence de leadership, la directrice des ventes assume les fonctions de la direction générale et le directeur musical assume la direction de la programmation ce qui handicape sérieusement leurs tâches premières respectives.
 
Pour palier à la carence de direction, un comité de gestion a été mis en place. Le comité regroupe un représentant du conseil d'administration, la directrice des ventes et le directeur musical. Il est cependant bien difficile pour un comité à temps partiel de gérer adéquatement les opérations dans un contexte financier très difficile et avec une équipe démotivée et frustrée des conditions de travail.
 
Il est également étonnant de constater l'absence d'allusion au rôle et aux pouvoirs de la direction générale dans les règlements de CIBL. Cet état de fait est probablement révélateur de la confusion qui règne quant à la place que devrait prendre la direction générale.
 
Certains voient la direction générale comme l'élément moteur qui devrait orienter, coordonner et diriger l'ensemble des activités de la station tandis que d'autres voudraient confiner la direction générale à un rôle comptable et administratif.
 
La confusion dans les rôles et responsabilités est confirmée par l'absence de description des rôles et tâches de chaque fonction ce qui laisse pour ainsi dire à chacun le loisir de jouer le rôle qui lui convient et d'exercer le pouvoir qui lui paraît approprié.
 
D'ailleurs lors des entrevues, très peu de personnes étaient capables d'identifier leur supérieur hiérarchique.
 
De façon générale, on peut affirmer que le manque de clarté dans les rôles et responsabilités, la rupture apparente entre le conseil d'administration et les opérations, l'absence de direction générale et la dégradation de la situation financière sont parmi les principales causes de l'état de crise chez CIBL.
 
3.5 La gestion et le climat de travail
 
Il n'est pas étonnant de constater à CIBL que la gestion des opérations et le climat de travail ont beaucoup souffert du manque d'encadrement.
 
En plus de constater une dégradation physique des lieux (désorganisation physique, malpropreté, etc.), on remarque un manque de respect et de discipline flagrant chez certains salariés et membres. Le manque d'éthique professionnelle ne fait qu'aggraver la situation et crée un climat de tension difficilement supportable.
 
À ce sujet, il est intéressant de constater que les producteurs ont apporté une collaboration significative en produisant un code d'éthique professionnel pour leurs membres.
Plus de 75"/o des répondants à la grille d'entrevue ont répondu que le climat et les conditions de travail sont moyennes ou mauvaises. Il y a donc un important travail à accomplir pour créer de nouveau un climat de confiance, de respect mutuel et d'implication.
 
3.6 La situation financière
 
3.6.1 Situation générale
 
Avant de commenter la situation financière à CIBL, il est important de constater que la dégradation économique de l'organisme a eu un impact négatif majeur sur le moral des troupes.
 
Il ne faut pas négliger cet aspect lorsqu'on fait allusion au mauvais climat de travail et à l'insatisfaction face aux conditions dans lesquelles on doit se réaliser.
 
La situation financière de CIBL s'est détériorée au point où on réalise notre incapacité financière à combler des postes aussi névralgiques que la direction générale et la direction de la programmation.
 
Plus récemment encore, on a de la difficulté à rencontrer les dépenses courantes dont la paie du personnel et à moins d'un apport financier à très court terme, CIBL devra cesser ses opérations.
 
Au cours des trois dernières années la situation financière de CIBL s'est considérablement transformée.
 
Voici quelques indicateurs financiers significatifs
 
>          les revenus aux cours des trois dernières années ont diminué de 255 000 $;
 
>          les revenus de subventions ont diminué de 275 000 $ tandis que les revenus autonomes ont connu une légère augmentation de 20 000 $;
 
>          les dépenses globales ont diminué de 250 000 $ dont 195 000 $ provenant de la masse salariale;
 
>          même si on a réussi à conserver sensiblement le même déficit annuel ± 15 000 $, la capacité de CIBL à générer des activités, a considérablement diminué avec une diminution des dépenses de 250 000 $;
0-        les pertes de subventions entre 1999 et 2001 sont illustrées au tableau suivant :


Programme 2001 2000 1999
Min. Métropole 3 000 7 000 28 000
Fonds développement Métropole - 35 000 69 000
Budget discrétionnaire - - 10 000
MRCI 12 500 39 500 -
Ministère Justice - 5 000 5 000
MCCQ Cybercités - 25 000 -
MCCQ Pamec 54 000 59 000 65 000
Aide à l'emploi 17 000 13 000 89 000
Arts de la culture - 20 000 -
Fonds développement Métropole - - 81 000
Autres 7 500 5 350 -
MCCQ autres - - 24 000
Total 94 000 207 850 371 000
 
 
nous évaluons, à la fin octobre 2001, des obligations de déboursement à court terme d'environ 65 000 $ versus des encaissements à court terme d'environ 25 000 $ soit un manque de liquidités à court terme d'environ 40 000 $;
 
Ø                 il est à noter que parmi les déboursés à court terme on retrouve environ 30 000 $ de remboursement à faire pour la TPS et la TVQ ce qui entraîne directement la responsabilité des administrateurs;
 
>          selon notre évaluation, les revenus autonomes génèrent environ 12000$ d'encaissements par mois ce qui couvre à peine les salaires. Donc à moins d'encaissements de subventions ou d'une injection rapide de nouveaux fonds, il sera impossible de rencontrer les échéances à court terme.
 
3.6.3 Constats
 
Il est évident qu'avec une diminution de près d'un quart de million de revenus sur une période de trois (3) ans, CIBL se retrouve aujourd'hui dans une situation financière précaire.
 
Il faut cependant reconnaître que l'organisme a réagit rapidement en diminuant ses dépenses d'un montant à peu près équivalent. Cette diminution importante dans les dépenses a permis de maintenir les déficits au même niveau mais a en même temps considérablement réduit la capacité d'agir de CIBL
 
Finalement il faut reconnaître la contribution financière des bénévoles. Bien que cette contribution soit difficile à chiffrer il est bien évident que CIBL n'aurait pas survécu écu à cette crise sans la contribution bénévole de nombreux acteurs et en particulier les producteurs de CIBL.
 
En contrepartie de la contribution des bénévoles, ces derniers se voient offrir une tribune radiophonique et un lieu pour exprimer et parfaire leur créativité.